Julie Sauvage • Directrice artistique, Illustratrice et Peintre muraliste à Grenoble
Avancer, reculer, changer de direction… Mon parcours ressemble moins à une ligne droite qu’à un sentier qui serpente, guider par les occasions, les hésitations et les découvertes.
Compliquée de trouver sa voie quand on veut tout faire, tout expérimenter en même temps.
J’ai grandi avec le dessin comme une langue maternelle, une façon instinctive de traduire le monde. Toujours un crayon à la main et une idée en tête.
Plus tard, l’architecture m’a appris à structurer le rêve, à donner un cadre à l’imaginaire. Mais très vite, les murs sont devenus trop rigides.
Alors, j’ai tracé mes propres lignes.
J’ai exploré les formes, les matières, les récits visuels. Illustration, fresques monumentales, graphisme, papeterie… Chaque discipline m’a offert une nouvelle façon de raconter des histoires. Je n’ai jamais voulu choisir un seul médium car pour moi, la force d’une vision vient de sa capacité à se déployer partout.
Aujourd’hui, mon travail est une fusion : un langage où l’art et le design dialoguent, où chaque création est une mise en scène. Mon regard façonne des espaces, des identités, des atmosphères.
La direction artistique est devenue le fil rouge de cette exploration infinie : donner une âme aux images, une intention aux formes, une présence aux idées. C’est ainsi que je conçois mon métier.
« La nature n’est pas un simple décor, ni une toile de fond paisible. Elle est une force brute, indomptable, vertigineuse. Elle dépasse l’entendement par sa démesure, par l’équilibre impossible qu’elle maintient dans son chaos apparent. Face à elle, on se sent minuscule, témoin d’une mécanique si vaste qu’elle nous échappe.
J’ai toujours été fascinée par ce paradoxe. Une végétation qui se developpe, une jungle qui engloutit les ruines, un orage qui déchire le ciel… Tout semble anarchique, et pourtant tout répond à une logique plus grande que nous. Une harmonie que nous ne pouvons qu’effleurer du regard, jamais comprendre pleinement.
C’est aussi à travers mes voyages que cette fascination s’est nourrie. En quittant les paysages familiers, parfois trop sages, j’ai découvert des mondes où la nature est reine. Des forêts denses, vibrantes, où chaque feuille semble respirer, où chaque bruit résonne comme un langage oublié. Des terres où le végétal n’est pas un simple fond de tableau, mais une entité vivante, autonome, souveraine.
Mon travail cherche à capturer cette émotion, ce frisson face au monde vivant. Pas des paysages, mais des impressions. Comme l’ont fait les romantiques, les peintres du sublime, les impressionnistes. Retranscrire ce que la nature nous fait ressentir plutôt que ce qu’elle est. »
Créer, c’est jouer avec le temps, parfois en captant l’instant présent, parfois en révélant la mémoire des matières. J’aime autant l’élan du contemporain, l’audace des identités visuelles qui s’inscrivent dans leur époque, que la beauté des surfaces qui gardent une trace, des papiers qui se patinent, des couleurs qui évoluent avec la lumière. Rien n’est figé. Chaque création dialogue avec son époque, qu’elle s’inscrive dans la pureté d’une ligne actuelle ou qu’elle s’ancre dans une histoire plus profonde. Ce qui m’intéresse, c’est ce qui vibre, ce qui résonne, ce qui laisse une empreinte, qu’elle soit immédiate ou qu’elle se dévoile avec le temps.
Créer, c’est un vertige. Un moment suspendu où tout peut basculer d’un trait, d’une couleur, d’un détail. J’aime l’intensité de cette recherche, le frisson de l’équilibre entre trop et pas assez. Il y a un instant où l’œuvre prend vie, où elle cesse d’être une idée pour devenir une évidence. C’est ce moment que je poursuis dans chaque projet, cette étincelle où tout s’aligne.
Je refuse les surfaces lisses et les images sans aspérité, celles qui effacent le geste derrière une perfection figée. Car souvent, la beauté de l’art vient justement de cette transparence : voir la main à l’œuvre, percevoir l’intention derrière chaque trait, sentir la tension du mouvement dans le produit final. Ce qui m’intéresse, c’est ce qui vibre, ce qui vit, ce qui porte en lui l’énergie brute de la création.
Le vivant est une bibliothèque infinie d’idées, d’harmonies, de solutions. Chaque forme, chaque structure, chaque motif existe pour une raison, perfectionné par l’équilibre du monde naturel. Observer, comprendre, traduire cette intelligence organique, c’est puiser dans une source inépuisable d’inspiration. Dans mon travail, il ne s’agit pas seulement de représenter la nature, mais d’apprendre d’elle : capter ses rythmes, ses structures, sa façon de s’adapter et de se transformer. Créer avec le vivant, c’est concevoir autrement, avec une approche qui cherche le juste équilibre entre esthétique et sens.